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Systèmes et Cercles Restauratifs

Révision datée du 13 avril 2017 à 20:51 par François Cribier (discussion | contributions) (Cercle Restauratif)
Système, Processus et Cercle Restauratifs
Système, Processus et Cercle Restauratifs (cf. www.RestorativeCircles.org)

Les Systèmes et Cercles Restauratifs
selon l'approche de Dominic Barter

Sommaire

Présentation

Les groupes humains ont, de tous temps, cherché à rendre justice à celui qui a vécu un préjudice. Dans notre société, un système de justice punitif prévaut actuellement dans la résolution des conflits.

Dans d'autres cultures, le dialogue cherche à trouver un arrangement qui respecte les protagonistes tout en clarifiant leur inclusion dans la communauté, ou leur exclusion.

Parmi ces pratiques de justice restaurative figure l'approche initiée par Dominic Barter depuis les années 90. Les systèmes restauratifs et les Cercles Restauratifs qui en découlent, ont vu le jour dans les favelas de Rio et ont été diffusés au Brésil en lien avec le ministère de la justice et celui de l'éducation, avec le soutien de l'UNESCO.

Lors de séjours en Europe, Dominic Barter a partagé son expérience et invite ceux qui le souhaitent à accompagner la mise en place de systèmes restauratifs dans leur communauté.

Cette forme de prise en compte collective des conflits présente de nombreux atouts et fait preuve, dans les établissements scolaires, les entreprises et associations, d'une efficacité très encourageante.

Actuellement, des groupes ou personnes contribuent à la diffusion de ces pratiques restauratives, chacune à leur manière, et avec leur compréhension du processus initial. Dominic Barter n'a pas souhaité que l'on voit dans ce processus un outil abouti qui empêcherait les personnes de se l'approprier et de l'incarner au plus près de leur réalité. Il n'a pas souhaité non plus professionnaliser le processus ni l'accompagnement du processus. Il a transmis une expérience avec ses particularités et son universalité. Il invite à l'expérience et sa relecture afin de ne jamais s'éloigner d'un essentiel commun.

Les personnes qui se reconnaissent dans ce courant font œuvre collective. Elles accompagnent un processus, un savoir vivre ensemble qui est sans cesse en évolution. Elles invitent toute personne, ou tout organisme qui le désire, à faire cette nouvelle expérience d'un autre regard sur le savoir, sur le conflit et à participer au mieux vivre ensemble.

En France ont été créés des groupes de pratique et recherche pour mutualiser les expériences et agrandir les connaissances sur ces processus restauratifs. Certains ont privilégié la porte d'entrée des Systèmes Restauratifs, d'autres celle des Cercles Restauratifs. Quelle que soit la priorité donnée, il manquerait un outil précieux à un système qui essaierait de fonctionner sans cercle et un cercle seul ne saurait avoir tous les bénéfices d'un système global. Il appartient donc à chacun de choisir quelle porte d'entrée il préfère pour prendre soin de ses conflits.

Dans notre société, une justice punitive

La justice punitive est tournée vers le passé, et est axée sur la notion de faute, pour laquelle il faut "payer" ; on l'appelle aussi "justice rétributive".

Quand nous sommes en conflit, nous nous tenons fréquemment à distance : nous cherchons à nous protéger de ce qui est douloureux, inconnu, incompréhensible, insécurisant... Nous pouvons aussi avoir tendance à rester proches mais en hurlant…et quand les mots ne suffisent plus pour se faire entendre, les gestes suivent et c'est l'escalade de la violence.

Face aux conflits, nous avons l'habitude de chercher qui est la victime et qui est le coupable, mais cela ne prend pas en compte la complexité du conflit, ni le nombre de personnes impliquées. C'est un cercle vicieux dans lequel la personne qui tranche devient le bourreau et l'accusé, la victime.

Notre civilisation a hérité d'un système de justice punitif (ou rétributif) que nous ne pensons pas à remettre en cause tellement il imprègne nos logiques éducatives et nos comportements sociaux.

Pourtant, dans une situation où l'on considère d'un côté un auteur, qui a tort et doit donc être puni, et de l'autre une victime, on peut constater que :

  • la punition n’amène pas l’auteur à avoir conscience de ce que la victime a vécu
  • l’auteur n’est pas entendu dans ce qui l’a amené à agir ainsi
  • la souffrance de la victime n’est pas apaisée par la punition de l’auteur
  • la relation entre les deux n’est pas réparée, la victime reste avec de la peur ou une envie de vengeance
  • les personnes concernées par l’acte ne sont pas prises en compte. Elles restent avec l’impact émotionnel de ce qui s’est passé et leur part de responsabilité non conscientisée.
  • la punition conduit généralement à de l’exclusion ; on constate peu d’évolution de la conscience de l’auteur et un pourcentage important de récidive.

À la recherche d'une justice restaurative

Un conflit est toujours révélateur d'un malaise lié à l'insatisfaction d'un besoin essentiel chez une personne. Nous pouvons désapprouver la forme que cette personne a choisie pour exprimer sa souffrance, mais en ignorer la source nous condamne souvent à la répétition.

Il n'est possible de changer que ce que nous avons réussi à mettre à jour, à identifier, à accepter. Il s'agit donc de recontacter cette commune humanité dans un espace où elle a assez de sécurité pour se révéler dans tout son sens et sa vulnérabilité.

Le défi consiste à réunir les protagonistes essentiels du conflit, et aussi les membres de la communauté impactés par celui-ci, et dont la présence sera essentielle pour une résolution efficace et durable.

Les conflits sont l'affaire de toute la communauté : chacun est acteur du conflit, tant dans son déroulement que dans la réponse à y apporter, mais aussi dans sa prévention et dans la réflexion collective qui prépare à en prendre soin.

La justice restaurative est tournée vers le présent et l’avenir. Elle constate ce qui a été dégradé sur les plans matériel et relationnel et cherche à restaurer le lien entre les participants. Elle utilise toutes les ressources de l'intelligence collective de ses membres tant dans la mise en place préventive de son Système Restauratif que dans la prise en compte collective d'un conflit avéré lors du déroulement d'un Cercle Restauratif.

Système restauratif

Lors de ses ateliers, Dominic Barter expose notamment à quoi il est nécessaire de penser lorsqu'on construit une école : bien sûr il faudra des espaces pour enseigner, d'autres pour se nourrir, se détendre, etc…Personne n'attendrait l'ouverture de l'école pour se demander comment on va nourrir les estomacs affamés. Pourtant, alors qu'on sait qu'il y aura des conflits, personne ne songe à imaginer un lieu, mais aussi une procédure, pour les traverser.

Penser à l'avance ce cadre, c'est construire un Système Restauratif en étant accompagné par des facilitateurs expérimentés pour s'interroger collectivement :

  • Comment voulons-nous prendre soin de nos conflits ?
  • Quelle est la taille que nous voulons donner à notre système ?
  • Quelles ressources humaines et matérielles sont nécessaires ?
  • Quels temps et espaces sont dédiés à cela ?
  • Comment faire connaître le système et le processus au sein du groupe concerné ?
  • Comment initier le processus ?
  • Comment bonifier le système au fur et à mesure de son expérimentation ?

Cette réflexion peut constituer un préalable pour une communauté en création, ou une étape réflexive pour améliorer un processus de régulation des conflits existant.

Cercle Restauratif

C'est la forme collective de réponse à un conflit telle qu'elle a été retenue par les membres de favelas de Rio.

Elle est utilisable pour toute communauté (ville, établissement scolaire, famille, entreprise, association…) en fonction de ses particularités propres.

Si elle est à recréer par chaque communauté afin d'être ajustée à ses besoins et ses limites, il n'en reste pas moins qu'elle possède une structure universelle.

L'expérimentation montre qu'il est capital qu'elle offre :

  • du sens : répondre à trois attentes fondamentales et se dérouler en trois temps :
    • Expression et compréhension mutuelle au sujet de la situation
    • Auto-responsabilisation de chacun dans ce qui l'a amené à agir comme il l'a fait
    • Accord sur un plan d’action, si nécessaire : il précise les actes de restauration (sur le plan relationnel), incluant possiblement des actes de réparation (sur le plan matériel)
Un après-cercle permet, dans un délai décidé en fin de rencontre, d'évaluer l'application du plan d'action, et de le faire évoluer si besoin.
  • de l'équivalence :
    • La forme du Cercle, manifestation du pouvoir partagé, et la présence d'un ou plusieurs facilitateurs "omnipartials" en sont la garantie
    • Chacun a la liberté d'initier un Cercle Restauratif, la mise en place de ce processus est accessible à tous les membres
    • Les membres s'y rencontrent en tant que personne, au delà de leur statut habituel
    • Chacun en connaît la feuille de route
    • Chaque point de vue est entendu jusqu'à pleine compréhension pour chaque étape du processus.
  • de la sécurité :
    • Chaque communauté vise à son autonomie pour la prise en compte de ses conflits
    • Les membres de la communauté sont à l'initiative du cadre choisi et du processus, ils en sont coresponsables
    • Les membres facilitateurs sont accompagnés et soutenus tout au long de leur engagement
    • Avant le Cercle, l'initiateur et les personnes invitées sont accueillies par un membre facilitateur pour accueillir leur réalité, mettre du sens à leur participation et rappeler le cadre que la communauté s'est donné

Efficacité de la Justice Restaurative

Les Cercles Restauratifs sont l'une des dix innovations retenues par la Fondation nationale pour les Sciences, Technologies et Art, principal groupe de réflexion sur les innovations sociales en Angleterre. Dans son rapport de juin 2010, « Radical Efficiency » (efficacité radicale), elle met en avant les technologies sociales du domaine public qui offrent « de manière visible des résultats différents, plus performants et de moindre coût que ceux des approches traditionnelles ».

Cette manière de s'emparer du conflit de façon collective et autonome permet :

  • d'accueillir la complexité de ce qui se joue (l'initiateur du cercle retient l'acte le plus important pour lui du conflit, mais chaque participant peut en avoir retenu un autre)
  • une réelle prise de conscience des conséquences des actes posés, et en particulier des souffrances générées dans cette situation
  • aux personnes impliquées d'exprimer leur souffrance et d'être entendues, ce qui est très réparateur pour elles
  • aux auteurs d'acte(s) d'être entendus dans ce qui les ont amenés à agir : c’est aussi réparateur pour eux et c’est un facteur de prévention de la récidive
  • de prendre en compte toutes les personnes impactées par l’acte, et de clarifier les différents points de vue
  • de réparer ce qui peut l'être matériellement, et de restaurer la relation entre auteur(s), receveur(s) d’acte(s) et les personnes impactées dans la communauté
  • de réintégrer dans la communauté les personnes habituellement exclues lors de telles situations
  • de restaurer la place du conflit dans une communauté, le sens, la relation et l'intégrité de toutes les personnes
  • de mettre à jour des causes systémiques de l’apparition de conflits (responsabilités partagées)
  • de faire baisser le taux de récidive car ils contribuent à augmenter les niveaux de compréhension et de conscience des personnes, et les amènent à trouver collectivement des réponses plus satisfaisantes aux conflits.
  • De réduire de 50 % le nombre de cas où les jeunes sont amenés devant un juge et d'obtenir des taux de satisfaction des participants interrogés de plus de 90%.

Médiation et Cercles Restauratifs

Les différences essentielles entre cette approche et la médiation concernent notamment le nombre de personnes pouvant être accueillies pour la rencontre, ainsi que la possibilité que le Cercle puisse se réunir même en l'absence d'un protagoniste très concerné. Une des grandes limites de la médiation se résume au fait que si l'une des parties ne souhaite pas rencontrer l'autre, il n'y a pas de médiation.

A tous les niveaux : de la création du Système Restauratif, du processus du Cercle Restauratif et de leur expérimentation, c'est la force de l'intelligence collective qui est à l'œuvre.

Dans la communauté qui a choisi de mettre en place un Système Restauratif, chaque membre en est potentiellement le facilitateur, tant qu'il n'est pas impacté par le conflit au point de ne pas pouvoir assurer cette fonction. En effet, ce rôle n'est pas lié à une personnes particulière mais plus à une situation donnée. La personne qui facilite le fait selon une feuille de route qui est créée par les membres de la communauté lors de la construction du Système Restauratif.

Ci-dessous quelques détails concernant les points communs et les différences entre les deux approches.

 
Image initiée par François Cribier

Ci-dessous le même schéma, sous forme de tableau, pour être plus facilement modifiable :

Traverser les conflits
QUI ? un demandeur, un sollicité. Un médiateur expert extérieur
tous les membres de la communauté impactés, dont des facilitateurs (parmi les moins impactés)
CADRE ? écoute, non-violence, confidentialité
système construit par la communauté pour elle-même. pas de secret
SAISINE ? une des parties ; la police ; la justice ; le bailleur social
une des parties ou un membre de la communauté
PRE REQUIS ? savoir écouter et reformuler
appartenance à la communauté ; volontariat
BLOCAGES ? une des parties refuse la médiation
une personne absente peut être remplacée par un facilitateur expérimenté
POSTURE ? des médiateurs extérieurs accompagnent les parties
le facilitateur contribue dans l'équivalence
RECONNAISSANCE ? compétence/ légitimité reconnue par une structure
légitimité reconnue par la communauté
DEROULEMENT ? écoute des parties ; reformulation par un médiateur ; ajustements ; recherche de solutions ; accord
écoute ; reformulation par le récepteur ; clarification des besoins-causes ; élaboration d'un plan d'action
SUIVI ? suivi téléphonique des parties
rencontre pour évaluer le plan d'action
Légende avec la médiation
avec la justice restaurative
Points communs entre la médiation et la justice restaurative (processus de Dominic Barter) vivre le dialogue
entretiens préalables
accompagnement par des personnes neutres
impartialité ou multipartialité
lieu dédié